Le gouvernement du Québec a jugé nécessaire de mettre sur pied un ordre professionnel pour encadrer l’exercice de la chimie. Cela s’explique notamment par la gravité du préjudice qui pourrait être subi par les gens recourant aux services de personnes ne détenant pas la compétence et l’intégrité requises pour exercer la chimie.
Au Québec, la chimie est une profession d’exercice exclusif dûment encadrée par la Loi sur les chimistes professionnels (RLRQ, chapitre C-15), le Code des professions (RLRQ, chapitre C-26) et des règlements adoptés en vertu de ces lois. À ce titre, seules les personnes titulaires d’un permis d’exercice valide et approprié et dûment inscrites au Tableau de l’Ordre peuvent porter le titre de « chimiste » (ou toute variation de ce titre, y compris celui de « biochimiste ») et exercer les activités professionnelles comprises dans le champ d’exercice exclusif aux chimistes.
C’est l’article 1b) de la Loi sur les chimistes professionnels qui définit la profession. Le champ d’exercice exclusif qui y est prévu établit le domaine de pratique et balise les activités des membres de l’Ordre des chimistes du Québec (OCQ). Cet article se lit comme suit :
« 1. Dans la présente loi et dans les règlements adoptés sous son autorité, à moins que le contexte n’indique autrement: […]
b) «exercice de la chimie professionnelle» signifie l’exercice moyennant rémunération de toute branche de la chimie, pure ou appliquée, y compris, sans restreindre la portée de ce qui précède, la chimie organique, inorganique, physique, métallurgique, biologique, clinique, analytique et industrielle, mais ne comprend pas l’exécution d’essais chimiques ou physiques basés sur des méthodes connues dans le but de déterminer la qualité d’un produit ou de suivre un procédé de fabrication; […] »
Les activités comprises dans le champ d’exercice exclusif ne peuvent être accomplies que par des membres de l’Ordre des chimistes du Québec.
Toutefois, dans certaines situations, elles pourront être partagées avec d’autres professionnels. Lorsque tel est le cas, c’est le champ d’exercice de chacune des professions qui délimite les activités des professionnels concernés. Les articles 16 et 17 de la Loi sur les chimistes professionnels prévoient d’ailleurs des exceptions pour certaines personnes, dont des professionnels.
Soulignons qu’en conférant aux membres l’OCQ le droit exclusif d’exercer la chimie, le législateur reconnait que la nature des activités professionnelles exercées par ces derniers, de même que la latitude dont ils disposent en raison de la nature de leur milieu de travail habituel sont telles que ces activités professionnelles ne peuvent être exercées par des personnes ne possédant pas la formation et la qualification requises. Autrement, la protection du public pourrait être compromise.
L’article 1b) de la Loi sur les chimistes professionnels définit en des termes généraux le champ d’exercice exclusif des membres de l’OCQ.
Que doit-on comprendre de cet article?
La chimie est l’« exercice moyennant rémunération de toute branche de la chimie ». Mentionnons dans un premier temps que la notion de rémunération s’entend du « prix d’un travail fourni, d’un service rendu » [1], et qu’il pourrait être interprété par les tribunaux plus largement que le simple versement d’argent. À ce sujet, afin de déterminer si une personne exerce une profession moyennant rémunération, il revient d’analyser la question de savoir si cette dernière possède une expérience et des capacités directement en lien avec l’objet de sa rémunération [2]. Si c’est le cas, alors les activités exercées sont considérées comme étant exercées moyennant rétribution.
Le champ d’exercice exclusif des membres de l’OCQ est très large puisque l’article 1b) de la Loi sur les chimistes professionnels précise que celui-ci comprend toutes les branches de la chimie, pure ou appliquée, dont la chimie organique, inorganique, physique, métallurgique, biologique, clinique, analytique et industrielle, sans toutefois limiter l’exercice de la profession à ces seules branches.
En 20027, le juge Cournoyer mentionnait ce qui suit à propos de cet article:
« Puisque l’article 1b) ne définit ni la chimie, ni aucune de ses branches, le défi est de bien définir l’étendue du champ d’exercice. Cet exercice est une tâche impossible en l’absence d’une preuve d’expert. » [3]
Or, depuis l’adoption de la Loi sur les chimistes professionnels, les différentes branches de la chimie n’ont cessé de se développer et de se ramifier au gré des avancées scientifiques et technologiques qui caractérisent intrinsèquement l’exercice de la profession. Si bien qu’aujourd’hui, en plus des branches susmentionnées, on compte notamment la chimie pharmaceutique, médicinale, cosméceutique, criminalistique, judiciaire, computationnelle, environnementale, minérale, verte, minérale et agroalimentaire, y compris la biochimie, la biochimie clinique, l’hydrochimie, la géochimie, l’agrochimie, la radiochimie, la pétrochimie et la plasturgie, pour ne nommer que celles-ci.
L’article 1b) de la Loi sur les chimistes professionnels prévoit toutefois une exception importante au regard de la portée du champ d’exercice des membres de l’OCQ en prévoyant qu’il « ne comprend pas l’exécution d’essais chimiques ou physiques basés sur des méthodes connues dans le but de déterminer la qualité d’un produit ou de suivre un procédé de fabrication ». Les décisions ayant été rendues en matière d’exercice illégal de la profession nous permettent d’obtenir des indications sur la façon d’interpréter cette exception.
Dans l’affaire Interteck Testing Services (ITS) Canada Inc. c. Ordre des chimistes du Québec, le tribunal conclut qu’une personne qui n’est pas membre de l’OCQ ne peut pas exécuter tout type d’essais chimiques basés sur des méthodes connues sans l’assistance d’un membre de l’OCQ [4].
Dans l’affaire Biomedco Services inc. c. Ordre des chimistes du Québec, la Cour d’appel du Québec a statué que le fait pour une personne ou une entreprise de transmettre les résultats de certificats d’analyse obtenus à la suite d’essais chimiques basés sur des méthodes connues ne constituait pas de l’exercice de la chimie [5]. Le tribunal conclut dans cette affaire qu’une exception prévue dans une loi doit recevoir une interprétation large et libérale, ce qui est un virage à 180 degrés par rapport à la jurisprudence précédente [6].
La Loi sur les chimistes professionnels prévoit également d’autres exceptions à l’exercice de la profession.
[1] Larousse (en ligne), sub verbo « rémunération »,
[2] Vail c. The Queen, 1960 S.C.R. 913, à la p 920. Voir également Ordre des agronomes du Québec c. Rannou, 2011 QCCA 2321, au para 3.
[3] Ordre des chimistes du Québec c. Bonnardeaux, 2007 QCCS 6321, au para 30.
[4] Interteck Testing Services (ITS) Canada Inc. c. Ordre des chimistes du Québec, 2011 QCCS 106, requête pour permission d’appeler rejetée à 2011 QCCA 193.
[5] Biomedco Services inc. c. Ordre des chimistes du Québec, 2012 QCCA 785, au para 31.
[6] Voir notamment Ordre des chimistes du Québec c. Chimitec Ltée, 2001 CanLII 10461, au para 37, renversant en partie 1999 CanLII 4157.
[7] Ordre des chimistes du Québec c. Chimitec Ltée, 2001 CanLII 10461, renversant en partie 1999 CanLII 4157.